La maladie d’Alzheimer est une maladie neuro-évolutive dont l’incidence est 2 fois plus élevée chez les femmes. Il existe donc bien des différences entre les hommes et les femmes dans la survenue de la maladie mais aussi dans sa progression. Ce constat est important car il renforce l’importance de mieux comprendre les raisons de ces différences mais aussi de développer une médecine personnalisée pour soigner les patients et les patientes Alzheimer.
/ De l’importance de la recherche sur les femmes
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, la santé des femmes est un sujet prioritaire. En effet, l’organisation est engagée dans plusieurs actions qui visent notamment à améliorer l’accès aux soins mais aussi la qualité des soins. Après 60 ans, ces dernières sont plus à risque de développer des démences. Il est donc fondamental de mieux comprendre les raisons de ces différences entre les hommes et les femmes mais aussi de proposer des solutions spécifiques de diagnostic et de prise en charge.
Un autre constat est cependant à faire concernant la recherche sur les femmes. Dans la constitution des cohortes pour la réalisation des projets de recherche clinique et thérapeutique, les participants sont très majoritairement des hommes. Aux Etats-Unis, l’inclusion des femmes dans les essais cliniques est devenue une obligation légale à partir de 1994 pour améliorer les taux de participation encore trop bas. En France, un rapport d’état rédigé en 2015 alerte sur la très faible participation des femmes dans les protocoles de recherche au niveau français mais aussi à l’international. Depuis, le changement des pratiques est en cours et permet de nouveaux espoirs pour la santé des femmes.
/ La mitochondrie en cause dans les différences hommes-femmes
En ce qui concerne la maladie d’Alzheimer, les femmes ont 2 fois plus de risque de développer la pathologie que les hommes. Ce phénomène s’explique en partie par une espérance de vie plus longue et donc une exposition plus prolongée au risque lié au vieillissement, et à l’augmentation de certains facteurs de risques comme les maladies mentales, en particulier la dépression. La baisse des taux d’œstrogène liée à la ménopause est également un facteur aggravant, puisque l’œstrogène est essentiel au bon fonctionnement du cerveau, notamment sur la santé cognitive et la synaptogénèse (c’est-à-dire le développement des synapses).
La mitochondrie, cet élément de la chaque cellule qui sert à la production d’énergie pour son fonctionnement, est également en cause pour expliquer les différences entre les hommes et les femmes dans l’apparition et la progression de la maladie d’Alzheimer. Tout d’abord, les recherches ont montré que le fonctionnement de la mitochondrie était altéré précocement chez les patients ; ce dysfonctionnement entraine une diminution des réserves d’énergie, une perturbation du métabolisme énergétique et une augmentation de la production de stress oxydatif. Une étude récente a démontré la présence d’un déficit spécifique de la mitochondrie chez la femme : la diminution des taux de carnitine libre, un acide aminé.
/ Un nouvel espoir de marqueur précoce chez la femme
Une équipe de recherche internationale vient de publier les résultats de leur étude sur les différences de niveaux de carnitine entre les hommes et les femmes, différences associées avec l’apparition précoce de la maladie d’Alzheimer. A savoir, la carnitine est un élément essentiel dans la production d’énergie à partir de certains acides gras. Elle sert en particulier :
- Au transport des acides gras vers la mitochondrie pour être transformés en énergie,
- A l’élimination des déchets produits par les cellules.
Les chercheurs ont analysé les niveaux de carnitine dans le plasma de 125 sujets ayant des profils cliniques allant du sujet sain, au sujet avec des troubles cognitifs avérés, et au sujet présentant une maladie neuro-évolutive comme la maladie d’Alzheimer. Dans cette étude, deux sous-types de carnitine ont été évaluées : l’acétyl-L-carnitine (produit d’une réaction chimique nécessaire à la production d’énergie) et la carnitine libre (élément directement utilisable par la cellule).
Leurs travaux démontrent que les niveaux d’acétyl-L-carnitine sont diminués chez les hommes et chez les femmes atteints de la maladie d’Alzheimer. Toutefois, en ce qui concerne les niveaux de carnitine libre, seules les femmes présentent un déficit. Par ailleurs, les femmes ayant les niveaux les plus bas de carnitine libre sont également celles ayant les niveaux les plus élevés de protéines toxiques amyloïde et tau et les troubles cognitifs les plus sévères. Ce lien est important car il permet d’envisager la mesure de la carnitine libre comme un nouveau biomarqueur sanguin précoce de la maladie d’Alzheimer chez la femme.
La Fondation participe à cet effort crucial en encouragent les médecins et les chercheurs à travailler sur la question du genre dans la compréhension de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées. Seule une médecine personnalisée pourra palier les différences entre les hommes et les femmes en terme de diagnostic et de prise en charge thérapeutique.