Les essais cliniques évaluant des traitements curatifs contre la maladie d’Alzheimer ont été et sont encore très nombreux à ne pas aboutir. La société américaine Biogen vient d’obtenir une autorisation de mise sur le marché d’un nouveau médicament agissant sur une des causes de la maladie. Explications.
/ Histoire d’une stratégie thérapeutique innovante
L’immunothérapie à base d’anticorps induits (vaccinations) ou injectés (biothérapies), comme stratégie thérapeutique pour lutter contre les maladies (infections virales, cancers…) a été une vraie révolution permettant d’ouvrir la voie à des alternatives à une pharmacologie plus classique et moins sélective. Il est ainsi possible grâce à des anticorps de cibler très précisément une protéine dans l’organisme humain et de la bloquer, voire de l’éliminer. Dans le contexte de la maladie d’Alzheimer où des protéines toxiques s’accumulent dans notre cerveau (notamment la protéine amyloïde et la protéine Tau), cette immunothérapie est un moyen de limiter et de retarder cette accumulation. Les premiers essais cliniques chez l’homme utilisant la technique de l’immunothérapie dans la maladie d’Alzheimer ont débuté dans les années 2000 et ont dû être stoppées à cause d’effets indésirables. Mais en vingt ans des progrès considérables ont permis de contrôler en partie ces effets indésirables et ont été à l’origine de plusieurs nouveaux traitements, dont la grande majorité n’a pas pu montrer à ce jour d’effet clinique majeur sur la maladie.
/ Entre espoir et doutes, le critère de l’efficacité prime
La société américaine Biogen s’est lancée dans la lutte contre la maladie grâce à l’immunothérapie en réalisant en particulier deux essais cliniques de phase 3, EMERGE et ENGAGE, durant lesquels les individus recevaient une nouvelle molécule : l’Aducanumab. Cette molécule est un anticorps anti-amyloïde qui cible les formes toxiques solubles et insolubles de la protéine. Une première phase d’analyse de ces études a rejeté l’utilité du produit dans la maladie d’Alzheimer. Puis en reprenant les calculs, un bénéfice clinique se traduisant par une réduction de 23% du déclin cognitif a pu être mis en évidence chez les patients traités précocement dans l’essai EMERGE mais pas dans l’essai ENGAGE. Cette différence entre les deux essais a suscité des doutes quant à l’efficacité clinique de l’Aducanumab. Néanmoins, ces études ont montré un effet biologique net se traduisant par une diminution de la charge amyloïde dans le cerveau des patients mesurée en imagerie. Or c’est bien cet effet biologique qui était ciblé par cette biothérapie.
/ Décision de l’agence américaine du médicament, la Food and Drug Administration (FDA)
Compte tenu de l’enjeu majeur de Santé Publique que représente un nouveau traitement potentiellement curatif dans la maladie d’Alzheimer et de l’analyse des données présentées par Biogen, la FDA a décidé d’autoriser une mise sur le marché sur la base de la diminution de la charge amyloïde dans le cerveau. Ce processus d’autorisation accélérée, réservé au traitement des maladies graves pour lesquelles existe un vide médical, est fondé sur la prédictibilité d’une efficacité clinique liée à la baisse de la charge amyloïde. Néanmoins, la FDA a demandé à Biogen de vérifier le bénéfice clinique dans un nouvel essai post-approbation. Si l’avantage clinique attendu n’est pas confirmé dans cet essai clinique, la FDA se réserve la possibilité d’engager une procédure pour retirer l’approbation du médicament.
/ Aducanumab, comment et pour qui?
En prenant cette décision accélérée d’autoriser la mise sur le marché de l’Aducanumab, la FDA permet ainsi aux patients, à leur famille et aux soignants vivants sur le territoire américain d’avoir accès à un traitement de la maladie d’Alzheimer potentiellement curatif. Ce traitement est destiné uniquement aux patients atteints de troubles cognitifs légers ou de maladie d’Alzheimer à un stade précoce. De plus, chez ces patients la présence d’amyloïde dans leur cerveau devra avoir été confirmée, ce qui nécessitera une ponction lombaire ou une scintigraphie cérébrale, avant de pouvoir initier le traitement. Enfin l’Aducanumab est associé à un certain nombre d’effets indésirables chez 35% des patients, dont 1/4 d’entre eux ont dû arrêter le traitement. Les individus traités feront l’objet d’une surveillance par imagerie cérébrale. Pour les patients européens, ce sera l’agence européenne du médicament qui donnera son avis sur la recevabilité de ce nouveau traitement, puis l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.