Interagir avec les activités électriques des neurones par l’intermédiaire d’ondes à différentes fréquences permettrait de stimuler plusieurs zones du cerveau. Deux études ont utilisées ce principe pour améliorer la mémoire de sujets atteints ou non de maladie d’Alzheimer.
/ L’ACTIVITÉ ÉLECTRIQUE DU CERVEAU
Le cerveau est composé d’un réseau de neurones qui communiquent entre eux et avec le reste du corps par des signaux électriques. Ces signaux peuvent être enregistrés grâce à un outil de mesure appelé « électroencéphalogramme ». Ils prennent alors la forme d’ondes de faible amplitude que l’on peut représenter dans des graphiques par les oscillations d’une ligne de base. Ces ondes sont émises à différentes fréquences mesurées en Hertz (Hz), c’est à dire le nombre d’oscillations répétées par unité de temps. Plus le nombre d’oscillations est grand, plus la fréquence de l’onde augmente. De ce fait, on a pu classer les ondes par niveau de fréquence en les désignant par une lettre grecque. Par exemple, les ondes alpha sont comprises entre 8,5 et 12 Hz.
Au cours d’une journée, le cerveau va générer des ondes de fréquences différentes en fonction de son activité et de son état veille sommeil. La plupart du temps, il s’agira d’ondes alpha et d’ondes béta. Mais il existe d’autres ondes plus rares dont les fréquences intéressent les scientifiques pour leurs effets dans le cerveau :
- les ondes gamma, très rapides à plus de 35 Hz, qui vont participer à la reconnaissance d’objets ou de personnes et leur association à une dénomination. Par exemple : on reconnaît une fourchette et on peut la nommer ainsi.
- les ondes thêta, très lentes entre 4,5 et 8 Hz, impliquées dans la mémorisation de l’information et retrouvées dans les états d’hypnose et de méditation.
L’hypothèse des chercheurs serait d’envoyer ces ondes directement dans le cerveau pour que les neurones les véhiculent à la même fréquence et reproduisent les effets recherchés. En quelque sorte, par cette méthode, on pourrait renforcer les processus de mémorisation et de consolidation des informations.
Deux études récentes parues dans de prestigieuses revues scientifiques ont utilisé ce principe avec d’un côté des ondes gamma et de l’autre des ondes thêta :
/ DES PERFORMANCES AMELIORÉES CHEZ LA SOURIS…
La première étude s’est concentrée sur les effets des ondes gamma sur une population de souris mutées atteintes de maladie d’Alzheimer. Un groupe de souris était soumis à une stimulation auditive dont la fréquence était de 40 Hz, soit la fréquence d’oscillation des ondes gamma. Ces ondes captées par l’oreille interne sont transmises via le nerf auditif au cortex cérébral auditif pour y être intégrées et traitées ; puis par l’intermédiaire des connexions synaptiques entre les neurones, ces ondes sont envoyées dans différentes zones du cerveau comme l’hippocampe, le siège de la mémoire. Les autres groupes de souris étaient soit soumis à des ondes d’une fréquence aléatoire, soit à aucune stimulation. Toutes les souris ont ensuite réalisé une série de tests et d’exercices afin d’analyser les performances cognitives et les effets biologiques des ondes sur le cerveau.
Lors des exercices de mémorisation, les souris stimulées avaient de meilleurs résultats pour reconnaître et retrouver un nouvel objet et s’échappaient plus vite du labyrinthe que les souris non stimulées. Sur un plan biologique, l’exposition à ces ondes gamma a permis de diminuer la quantité de protéine amyloïde et de protéine Tau phosphorylées de 30 à 50% dans le cortex auditif et dans l’hippocampe. Dans ces régions, le nombre de cellules immunitaires capables de nettoyer le cerveau des protéines toxiques a augmenté de 60% pour la microglie et de 20% pour les astrocytes. Enfin les vaisseaux sanguins ont vu leur diamètre s’agrandir permettant une meilleure vascularisation et oxygénation du cerveau.
/ …ET CHEZ L’HOMME
La deuxième étude a porté sur une co-stimulation gamma-thêta mais cette fois-ci chez des humains. Cet essai clinique réalisé en double aveugle a évalué l’impact de la stimulation par ondes sur la mémoire de travail chez 42 patients jeunes entre 20 et 29 ans et des patients âgés entre 60 et 76 ans en bonne santé sans démence ni pathologie particulière. La mémoire de travail est une mémoire de l’instantané qui nous permet de retenir rapidement pendant quelques minutes par exemple les coordonnées d’une personne et de les oublier quelques heures après. L’activité électrique de chaque individu a été analysée par l’intermédiaire d’un casque à électrode, mais seule une partie des sujets âgés a reçu une stimulation transcranienne par des ondes gamma-thêta ciblées sur les régions préfrontales et temporales du cerveau.
Après analyse des résultats, les sujets âgés avaient de base une moins bonne mémoire de travail que les sujets jeunes due à une mauvaise synchronisation des ondes thêta entre le cortex préfrontal et le lobe temporal gauche. Après stimulation, les performances des personnes âgées étaient redevenues similaires à celles des personnes plus jeunes avec un effet qui se prolongeait pendant 45 minutes. Le cortex temporal était alors plus réceptif à la synchronisation des ondes gamma-thêta.
/ UNE PISTE À APPROFONDIR
Ces résultats sont intéressants et pourraient servir de point de départ pour agir à l’avenir sur le déclin cognitif lié à l’âge. En effet, agir sur la mémoire grâce à la stimulation par les ondes permet de mieux comprendre les mécanismes d’intégration de l’information du cerveau qui sont touchés dans les démences. Cependant ces résultats sont encore loin d’être suffisants pour trouver un nouveau moyen de traiter la maladie d’Alzheimer. Dans la première étude, l’expérimentation s’est faite sur des souris donc difficilement extrapolable à l’Homme et la deuxième étude ne s’est focalisée que sur des sujets sains sans maladie d’Alzheimer. Toutefois, ces découvertes ouvrent de nouvelles perspectives de recherche et permettent d’envisager des pistes vers lesquelles continuer de creuser pour un jour trouver une nouvelle thérapeutique dans la prise en charge de la maladie d’Alzheimer.
Sources :
> Martorell et al. Multi-sensory Gamma Stimulation Ameliorates Alzheimer’s-Associated Pathology and Improves Cognition. Cell. 2019 Apr 4;177(2):256-271.e22. doi: 10.1016/j.cell.2019.02.014
> Reinhart et al. Working memory revived in older adults by synchronizing rhythmic brain circuits. Nat Neurosci. 2019 Apr 8. doi: 10.1038/s41593-019-0371-x